I - Histoire des Péoniens
  
  
  De leur obscures origines jusqu’à l’époque hellénistique, les Péoniens ont eu une histoire mouvementée sur laquelle subsistent néanmoins   de nombreuses zones d’ombres ou d’imprécision, les témoignages sur ce peuple étant relativement peu nombreux.
  
  
  1) Origines, territoires et moeurs des Péoniens
  
  
  Dans l’Iliade, Homère subdivise les Thraces en trois peuplades, dont celle des Péoniens, la plus occidentale, qui s’établit à l’ouest du   Strymon (la Strouma pour les Bulgares) et sur le cours inférieur de l’Axios (le Vardar).
  
  
  Selon Hérodote [1], les Péoniens descendaient de colons teucriens, originaires   de Troie. Ces mêmes Teucriens tirent leur nom de Teucros,   qui est l’ancêtre de la famille royale de Troie.
  
  
  Les Péoniens ont donc la même origine mythique que les Troyens, peuple installé en Asie Mineure si fameux depuis l’Iliade d’Homère.
  
  
  L’origine historique des Péoniens reste discutée. Il semble qu’ils descendent d’une souche thrace et illyrienne, mêlée de quelques éléments   helléniques.
  
  
  Les Péoniens sont un petit peuple, installés à l’ouest de leurs voisins, les Thraces, avec lesquels ils partagent nombre d’usages et de   coutumes, et au nord de la Macédoine. Ils vivent dans une région montagneuse, dans la rude chaîne des Balkans.
  
  
  La région qui deviendra le coeur du futur Royaume de Péonie se situe entre la moyenne vallée de l’Axios et du Strymon, autour du lac Prasias   (ou Cercinitis) [2]. Cette vallée du Strymon est, avec la vallée de l’Hébros, la principale voie de communication à travers les monts Balkans   entre les pays du Danube et la mer Egée.
  
  
  Les Péoniens sont un peuple de pasteurs montagnards, initialement nomades et ceux-ci créeront plusieurs villages, petits ou gros. Ce   peuple est composé de plusieurs tribus. Hérodote cite celle des Siriopéoniens, qui habitent Siris (aujourd’hui Serrai, sur un défilé du fleuve   Strymon), et celle des Péoples (habitant plus au nord sur le Strymon). Les Péoniens du lac de Prasias, nous raconte Hérodote [3], sont   polygames, et habitent une cité lacustre d’habitations de bois construites sur pilotis. Il s’agit là d’une des plus anciennes mention littéraire de   cité lacustre en Occident.
  
  
  Hérodote nous indique encore que l’on trouve également des Péoniens plus à l’est, dans la région du Mont Pangée... S’agit-il là-bas bien de   Péoniens, ou bien plutôt de Thraces ? La distinction doit être difficile à faire...
  
  
  La montagneuse Péonie est une région d’élevage, de chevaux notamment. On y trouve également des gisements métallifères autour de la   cité de Pautalia, et le fleuve Strymon charrie des sables aurifères. C’est donc une région riche en métaux et en or.
  
  
  Les Péoniens ont bien sûr des contacts avec le monde grec. Hérodote compare les usages des femmes de Thrace et de Péonie à ceux des   Scythes et des Hyperboréens, pour les offrandes biens empaquetés dans de la paille de blé que ces peuples envoient au temple de Délos (île   des Cyclades du Nord et grand centre religieux du monde grec) [4].
  
  
  Malgré ces contacts avec les Grecs, la Péonie et ses habitants sont considérés par Hérodote, et probablement par l’ensemble de ces   contemporains grecs, comme barbares. La Macédoine elle-même, le grand voisin située au sud de la Péonie, est perçue comme une zone   tampon entre le monde grec civilisé et le monde barbare des tribus plus ou moins hostiles que sont les Epirotes, les Illyriens ou les Péoniens.
  
  
  2) Les Péoniens dans les Guerres Médiques et la soumission à la Macédoine
  
  
  En 513 éclate le premier conflit entre Perses et Grecs.
  
  
  Une fois son autorité assuré sur l’Empire Perse, le grand roi Darius se tourne vers la Mer Noire et l’Europe. Cette campagne amène sans   encombre les troupes perses en Thrace, jusqu’aux frontières de la Macédoine et, au nord, jusqu’au Danube.
  
  
  Durant cette campagne, Darius ordonne au général perse et satrape Mégabaze de s’emparer des Péoniens et de les déporter en Asie,   probablement parceque ils ont dû résistés et être vaincus par le Grand Roi. Ils sont alors installés en Phrygie, dans des bourgs à part de la   population déjà en place. Mais ils rentreront chez eux quelques temps plus tard, quand le tyran de Milet, Aristagoras, se révolte contre Darius.   Quittant l’Asie par la mer, ils sont acheminés par les habitants de Lesbos jusqu’à la cité de Doriscos, sur l’embouchure de l’Hèbre, d’où ils   regagnent la Péonie [5].
  
  
  Hérodote nous narre encore l’histoire de Pigrès et Mastyès. Ces deux frères, tous deux Péoniens, souhaitent devenir tyran de Péonie sous   l’égide perse. Ils se rendent jusqu’à la cité de Sardes, avec leur soeur pour que celle-ci essaie de séduire Darius et favorise ainsi leur projet.   Mais ils n’arrivent pas à leur fin.
  
  
  Lors de cette campagne de Darius contre les Péoniens, Amynthos, roi de Macédoine, reconnait l’autorité perse pour protéger ses terres.   Grâce à cet acte de soumission devant le Grand Roi, il se voit attribuer le territoire des Péoniens, alors que la Thrace voisine est érigée en   satrapie (province de l’Empire perse), sous le gouvernement de Mégabaze, et prend le nom de satrapie de Skudra.
  
  
  La Péonie est donc soumise à la Macédoine, elle-même plus ou moins alliée et vassale de la Perse.
  
  
  Lors de la deuxième guerre médique, en 480 av. J.C., des soldats péoniens servent dans l’armée terrestre perse de Xerxès, lors de sa   campagne contre Athènes [6]. L’année suivante, en 479, le général perse Mardonios compte dans ses rangs des Thraces et des Péoniens à   la bataille de Platées [7].
  
  
  Mais ce sont les Grecs et Athènes qui sortent vainqueurs de cette guerre et suite à la débâcle perse, la satrapie de Skudra se démantèle.   C’est la Macédoine d’Alexandre Ier (497-454) qui récupère les territoires côtiers situés entre les fleuves Axios et Strymon. Le royaume de   Macédoine consolide ainsi sa position de domination régionale. Quant à la Péonie, même une fois les Perses partis, elle continue à être   macédonienne, et le restera jusqu’au milieu du IVeme siècle.
  
  
  3) Le Royaume de Péonie (359-286)
  
  
  Après la période troublée qui suit en 359 avant Jésus-Christ la mort du roi de Macédoine Perdikkas III, les Péoniens reprennent leur   indépendance vis-à-vis de la Macédoine.
  
  
  Et les Péoniens vont même plus loin : en 359, sous la conduite de leur chef unique, Argis, ils descendent la vallée du Strymon vers le sud   pour trouver des territoires plus fertiles et/ou pour piller la Macédoine. A force de cadeaux, Philippe II, le nouveau roi de Macédoine, se les   concilient, et les persuade pacifiquement de se retirer dans leurs montagnes. Mais Argis étant mort soudainement, toujours en cette année   359, Philippe change brusquement de politique, attaque les Péoniens et les bat.
  
  
  Les envahisseurs sont refoulés définitivement en Péonie, pendant que Philippe II et la Macédoine vont rapidement devenir la première   puissance de toute la Grèce.
  
  
  Les Péoniens se dotent alors d’un nouveau chef, Lykkeios (359-340), qui va battre monnaie [8].
  
  
  Athènes, trop éloignée géographiquement, ne peut lutter elle-même contre la puissance montante du nouveau roi de Macédoine, Philippe II.   Elle décide alors de former une coalition de différents voisins septentrionaux de la Macédoine, dont les Illyriens et leur roi Grabos, les Péonies   et leur roi Lykkeios, et les Odrysses [9].
  
  
  L’ensemble des peuples de la coalition sont battus par la Macédoine entre 356 et 355, et on suppose que Lykkeios vaincu se soumet à   Philippe II.
  
  
  Cette soumission de la Péonie à Philippe II de Macédoine nous est suggéré par une autre source historique. En effet, Démosthène, orateur et   homme politique athénien et principal partisan d’une intervention d’Athènes contre Philippe II, déclare dans l’un de ses discours à ses   concitoyens que les Thessaliens, les Illyriens et les Péoniens sont prêts à ce révolter contre la Macédoine [10]. Ce discours laisse penser   que les Péoniens partagent la condition des Thessaliens, alors soumis à Philippe, et que la Péonie est une sorte d’état-satellite de la   Macédoine.
  
  
  En 353, Philippe II part en campagne contre la Thrace, et ses armées, au retour, traversent la Péonie.
  
  
  Il était judicieux de la part de la Macédoine de faire de la Péonie un état-tampon, assez fort pour se défendre contre les remuantes peuplades   du Nord, les Celtes et les mystérieux Agrianiens.
  
  
  Le royaume de Péonie [11] verra se succéder 3 rois, Lykkeios (359-340),   Patraos (340-315) et Audoléon (315-286), qui battront monnaie.
  
  
  Le royaume fait penser à la Macédoine des VI° et V° siècles, résolument tourné vers le monde grec qui le considère en retour comme   barbare, ayant probablement une élite hellénophiles [12], peu de cités d’importances (Pautalia) et, sur ses frontières nord, des tribus barbares   remuantes.
  
  
  Les Péoniens, mercenaires, fournissent également des troupes auxiliaires à Philippe II. Les cavaliers péoniens jouent aux côtés d’Alexandre   le Grand un rôle important dans ses campagnes perses, notamment à la victoire de Gaugamela en 331.